Frappez et l'on vous ouvrira

Photo Atget / INHA / Cote : NUM PH 4615


Qu'il advienne le temps que nos cœurs s'éprennent :

Donne-nous le tourbillon et la marée, donne-nous la guerre et la joie !

Oui, viens, incorruptible chaos, desceller les alliances de nos maîtres et leurs stèles profanes, viens donner famines et faillites à notre avidité.
Ô dieux anciens hâtez le réveil des races et fracassez la culture du faible sur celle du fort, excitez les mémoires de vos enfants, donnez aux zélateurs et aux prophètes le don du verbe et de l'amour exclusif, donnez-leur encore vertus et science, et donnez au monde des fous en toute liberté.
Et toi, Nature, prend-nous dans ton sang, apporte en nous spirales et tempête, tremblements et luxuriance.
Et vous mon Dieu, Prince de la Paix, rendez-nous l'épée de la charité, la fureur du paradoxe et l'intempérance des conversions. Donne le verbe qui est un feu à ton Eglise. Donne l'embrasement au monde pour la joie sauvage des pauvres, donne des routes neuves aux espérances, des pieds nus aux antiques voies, une âme humaine pour l'ouvrage de l'homme.
Révélez corruptions et mensonges, vengeances et trahisons, vols et mutineries, petitesses et orgueil, révélez exploitations et usures, dols et tricheries, inscrivez dans le ciel le nom de l'horreur afin qu'une juste colère monte comme la plus incandescente prière jusqu'à votre autel.
Venez Anges, venez trompettes et vieillards saints, amis des hommes soyez le soutien de notre courage, voyez notre bannière, superbe oriflamme tonnant sur la montagne du temps imparti, ralliez notre soif, Ô créatures immortelles, apportez à la force de notre mortalité la puissance de votre équanimité.
Donne-nous drogues et alcools, sommeil et hallucinations, raison et logique, chairs et douleurs, joies euphoriques, licences et exemplarité afin de confondre les tièdes et convaincre ceux qui se sont perdus. Donne à nos cœurs une armée, donne à nos rêves des guerriers, donne à nos espoirs un champ, et à nos corps la vigueur des miraculés.
Prononce le mot qui œuvre, libère la phrase qui piétine, délie les langues, atomise la syntaxe dans un artifice stellaire mais Ô Verbe, conserve au sens toutes ses voies ainsi qu'a la formule son efficience.
Accentue les formes et perfore les murailles, sujet de nos supplications importunes montre toi dans ta puissance.
Toi qui possède et le Temps et la Mesure, et la création et le silence, et l'origine et les devoirs, la douceur de la musique et du vent et du rythme, Toi qui est en Tout, reçois notre prière. A qui irions-nous ? Tu as la Vie et le salut, aussi nous frappons méthodiquement du heurtoir de l'impatience la porte de ton royaume.