Grand Reportage


Faire un trou net comme une balle de Kalache dans tous les plafonds, pulvériser les obèses, rendre paillettes l’atmosphère, trouver les mots prophétiques qui libèrent ; on aime les vaches, la terre et les cocottes minute SEB alors j’ose l’image, lever le bouchon pour que jaillisse notre monde et repeindre le ciel de défécations sublimes, cœurs en confettis de loques sanguinolentes... A Bienheureuse Décadence une question remue notre plaie comme un couteau, elle nous trifouille le ciboulot jusqu’à le rendre milk-check-fraise et bête, elle nous tranche les globes oculaires avec une lame de rasoir comme dans l’Age d’or, on est rendu fou par les fourmis qui de toute part s’éparpillent, on tourne dans un bocal avec des mygales et des serpents, on mâche comme des tarés un morceau de nerf à se péter les dents, dans ma bouche c’est le Bataclan, chair et sang étouffent mes cris, grand silence de mort… plus aucun son, silence des images, silence ça dégueule partout, je chie sur nos claviers de rage et d’incompréhension, je me jette sur mon ami comme pour me pincer, le toucher, saisir quelqu’un à grand coup de chaines de vélo dans sa gueule pour être sûr qu’il existe, qu’on n’est pas dans une fiction pornographique, vas-y oui, oui, oui, ah salope t’aime ça les chaines de vélo, pute, oui oui défonce moi la gueule, encore… on aime les vache et on a une question qui nous dévaste, elle est simple, elle est évangélique : comment c’est possible de se faire enculer comme ça ? Pas une personne, pas un petit groupe, pas une nation mais dix, vingt, trente, cent nations, cent peuples, la terre entière, comment 1% peut enculer 99% ?


Reportage exclusif de BD sur la terre des vaches...


Je suis parti interroger Fabio à qui j’ai raconté en préambule l’histoire suivante : 1% des hommes aujourd’hui détiennent autant que les 99% restant :

Avant

1% de blouson laqués noirs font les caïds à la ville et ramassent tant qu’ils en peuvent avec drogue, putes, rackets, la police lutte en partie, l’autre est corrompue, le maire tient les deux bouts, maman chiale pour son gamin en passant la soupe, il va plus à l’école depuis qu’il est fourré H24 chez Tonio. Sans bosser vraiment, il gagne plus que son père qui est ivre dans le bistrot à Maurice où il prépare depuis 25 ans la révolution prolétaire, lui, il veut bouffer son patron qui le fait bouffer mais au fond ils se connaissent l’un et l’autre, ils s’aiment bien tous les deux. Tonio avec son blouson laqué, on le voit à l’église parce qu’il a filé un paquet de pognon pour refaire la façade… Rien de nouveau sous le soleil, Tonio on met une image sur sa tête d’enculé, la police, Maurice, le patron, maman qui chiale et papa bourré, tous au baptême du nouveau-né, la vie en somme… mais ça c’était avant… Version artisanale.


Après

La ville est propre, y'a plus de blouson laqué, elle est nickelle, tourisme oblige, Tonio c’est un commercial qui paie ses impôts et qui a une magnifique Safrane de fonction toutes options garée sous un pavillon sous-sol total rutilant, maman chiale toujours parce que son gamin sage comme une image est à la maison avec son bac + 18, il trouve pas de boulot, il est collé sur l’ordi, il se branle en cachette, papa n’est pas ivre, il a arrêté de fumer, il bosse comme un taré pour nourrir personne, maman au fond préfère Maurice chez qui elle est partie vivre à cause du pognon, manteau de fourrure et bar en vue, la police aligne tout le monde, les 4L et les Safranes, papa il va aux manifs CGT gueuler autour d’un tonneau avec un feu de merguez, il est balèze car il s’est fait secouer un fois par les CRS, il raconte toujours cette histoire épique, Maurice qui est avec maman raconte lui qu’il était minable vers le tonneau et que les CRS l’on bougé pour nettoyer la rue…

...

Face à ce bouleversement, à ces chiffres tellement énormes, Fabio quelle est votre analyse ? Dans l’«Après» y'a plus d’enculé. Pourquoi, où sont-ils ?

Avant d’entendre qu’1% de la planète détenait autant de pognon que 99%, j’aime pas les chiffres, mais là ils parlent, je pensais sincèrement qu’il n’y avait plus d’enculé parce qu’on était tous des enculés. Maintenant je suis certain qu’il y a des enculés VIP et qu’ils sont partout mais qu’on les voit pas. Tonio, le caïd d’hier, avec son pavillon aujourd’hui, ça reste un enculé, mais je vois bien qu’il est pas seul, il se fait enculer lui aussi… Mais où sont les enculés alors ? Je dirai, ils sont partout et nulle part, ils enculent sans visage voilà tout, y'a personne pour les chercher, y'a personne pour les arrêter, ils enculent à tire-larigot sans peur, sans reproche, à ciel ouvert, ou plutôt ils enculent en reprochant qu’on ne se laisse pas assez enculer, ils enculent tout le monde et de plus en plus violemment, plus vite, ils vont plus à l’église pour se montrer quand ils ont refait la façade, ils ne refont plus les façades, ils enculent aussi les églises, dans les églises, à l’intérieur des gens, leur foi profonde, leur sacré, ce qu’ils ont au dessus d’eux, leurs liberté en somme, ils enculent tout ça, ils enculent l’âme des gens, ils ne cherchent même plus un peu d’assentiment populaire, avant il y avait le peuple qu’on essayait d’écouter, on donnait le change, maintenant il y a des trous de balle qu’on encule avec des triques douces, c’est la télé qu’on met dans le cul du peuple, ça passe par les yeux et ça finit dans l’anus, ils tournent le bouton et c’est parti pour un branlage intégral, comme un vibro dans le cerveau, après il reste que de la soupe, du vomis, une trique vibrante dans le cul et un fouet dans la tête, avec ça c’est plus des hommes, c’est du maïs. Entre nous, y'a bien quelques musulmans pour dire stop mais même eux j’y crois pas, les arabes c’est pas fiables, ils ont le pognon en plus, avec les autres ils nous enculent.

Mais qui t’encule alors ?

Ceux qui m’enculent, c’est les 1%, et je pourrai dire tout ce que je veux, jamais j’en croiserai un des 1%, je pourrai dire que je vais lui faire entrer ma bouteille de champagne dans le cul, non, non ce n’est pas ça que je vais dire, je peux dire que Dieu les arrêtera car Dieu arrête Satan, je peux dire qu’ils vont crever comme moi je vais crever et qu’alors les maîtres du monde sont au même rang que les enculés de clodos, je peux dire qu’ils ont perdu d’avance contre le clodo, contre celui qu’ils enculent car quand ils vont crever ils seront mort comme moi.

Merci Fabio pour ces mots d'espérance !



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